Ciel laiteux marseillais, résultat des fumées canadiennes, depuis le toit du siège social d'AtmoSud. Photo AtmoSud
Ciel laiteux marseillais, résultat des fumées canadiennes, depuis le toit du siège social d'AtmoSud. Photo AtmoSud

Pollution de l’air : chronique d’une semaine inédite en région Sud

Rétro. Entre les fumées de feux de forêts canadiens, des conditions météorologiques défavorables, l’arrivée de poussières sahariennes et des incidents industriels survenus à Saint-Martin-de-Crau et à Rognac (Bouches-du-Rhône), la région Sud a connu une semaine inouïe en terme de pollution de l’air

De mémoire d’Observatoire Air-Climat-Energie en région Sud, on n’avait jamais vu cela. La semaine du 9 au 15 juin 2025 restera sans conteste dans les annales des situations les plus critiques -et les plus surprenantes- en termes de pollution atmosphérique sur le territoire. La faute à une conjonction de facteurs atmosphériques sans précédent, enregistrés par AtmoSud sur l’ensemble de la région Sud. Entre des épisodes de pollution aux particules fines et des pics à l’ozone survenus de façon simultanée et précoce, la qualité de l’air a été sérieusement mise à mal. Comme la santé des populations, en particulier celle des personnes les plus fragiles. On se repasse ce drôle de film hebdomadaire, placé sous le signe des dispositifs préfectoraux d’alerte à la pollution.

Lundi 9 juin : pollution rare aux particules fines dans les Hautes-Alpes

L'alerte pollution de l'air aux particules fines a été déclenchée parAtmoSud le 9 juin dans les Hautes-Alpes. Photo : Pexels
L’alerte pollution de l’air aux particules fines a été déclenchée parAtmoSud le 9 juin dans les Hautes-Alpes. Photo : Pexels

Tout commence le dimanche 8 juin. AtmoSud observe des niveaux de concentrations en particules fines PM10 nettement supérieurs à la normal à Briançon et sur l’ensemble de l’est des Hautes-Alpes. La conséquence de l’arrivée des panaches de fumée générés par les incendies qui dévastent les forêts canadiennes depuis plusieurs semaines. L’Observatoire déclenche une alerte pollution sur le territoire le lendemain. A midi, les niveaux atteignent  90 microg/m3/h, dépassant nettement le seuil d’information-recommandation de 50 microg/m3 journalier. Cette pointe de particules fines PM10 -qui comprennent une part importante de PM2.5, les plus fines et les plus nocives pour la santé-, est également observée par les capteurs d’AtmoSud sur tous les sites d’altitude de la région. Sans pour autant atteindre des niveaux aussi élevés que sur l’est des Hautes-Alpes. 

Mardi 10 juin : les niveaux de particules fines grimpent en région Sud

Les niveaux de pollution de l'air aux particules fines ont augmenté sur l'ensemble du territoire régional dès mardi. Photo : Capture AtmoSud
Les niveaux de pollution de l’air aux particules fines ont augmenté sur l’ensemble du territoire régional dès mardi. Photo : Capture AtmoSud

Quand la situation se maintient dans les Alpes, des augmentations significatives de concentrations en PM10 sont observées sur l’ensemble des stations régionales de surveillance de la qualité de l’air d’AtmoSud. De Marseille à Nice, en passant par Salon et Toulon, les pics sont notables, bien que restant en-dessous du seuil d’information-recommandation de 50 microg/m3. Comme les conditions météorologiques annoncées sont peu propices à la dispersion de polluants, AtmoSud maintient son niveau d’alerte. D’autant que cette météo, caractérisée par un vent faible et de fortes chaleurs, est favorable à la formation locale d’ozone. L’arrivée de poussières sahariennes, chargées elles aussi en particules fines, est par ailleurs annoncée pour la fin de semaine sur le territoire. Le retour à une bonne qualité de l’air en région Sud paraît donc très compromis.

Mercredi 11 juin : double pic de pollution particules fines-ozone dans le 04, le 13 et le 84

Cliché de l’impact des fumées de feux canadiens à Marseille, pris depuis le siège d’AtmoSud le 11 juin. Photo : AtmoSud

L’épisode de pollution aux particules fines marque un temps de pause dans les Hautes-Alpes. En parallèle, et sans surprise, les prévisions de pics locaux à l’ozone annoncées lundi par l’Observatoire Air-Climat-Energie se concrétisent. Dès mardi, AtmoSud recense des mesures supérieures à 180 microgrammes/m3/heure dans les Bouches-du-Rhône. Elles seront également relevées dans les Alpes-de-Haute-Provence et le Vaucluse le lendemain. Un autre type de pollution de l’air qui n’est pas sans lien avec la présence des panaches de fumées canadiens et qui vient s’agréger à la pollution aux particules fines en cours. Le phénomène est exceptionnel : constater simultanément des des épisodes de pollution aux particules fines et des pics de pollution à l’ozone est extrêmement rare. Sans compter que ses envolées de l’ozone sont particulièrement précoces pour la saison.

Jeudi 12 juin : incendie d’un pipeline de gaz à Saint-Martin de Crau

L'explosion d'un pipeline de gaz à Saint-Martin-de-Crau a aggravé la pollution de l'air en Camargues. Photo : Pompiers13
L’explosion d’un pipeline de gaz à Saint-Martin-de-Crau a aggravé la pollution de l’air en Camargues. Photo : Pompiers13

Comme si cette situation atmosphérique délétère ne suffisait pas, l’explosion d’un pipeline de gaz se produit dans la nuit de mercredi à jeudi sur un site industriel à Saint-Martin de Crau (Bouches-du-Rhône). Une torchère de plusieurs  mètres de haut dégage un important panache de fumée, visible à plusieurs kilomètres. Quand les microcapteurs d’AtmoSud présents sur le territoire n’enregistrent pas de hausse notable de particules fines, les fumées sont transportées vers le sud-ouest sous l’effet d’un vent faible en direction de la Camargue. La qualité de l’air est donc impactée sur ce territoire, quand le département est toujours en situation de double pollution aux particules fines et à l’ozone.

Vendredi 13 juin : un épisode de pollution jugé doublement exceptionnel

La pollution croisée particules fines-ozone se poursuit dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse et des Alpes-de-Haute-Provence. Au 4ème jour de dépassement des seuils d’information-recommandations pour les particules fines PM10, et au 3ème pour l’ozone, la Préfecture des Bouches-du-Rhône active le dispositif d’alerte pollution de niveau 2. La circulation différenciée est mise en oeuvre à Marseille dans l’espace géographique de la Zone à Faibles Emissions mobilité (ZFE-m).

Les PM10 font leur retour dans les Hautes-Alpes

Suite à l’arrivée de particules sahariennes annoncée en début de semaine par AtmoSud les Hautes-Alpes renouent avec la pollution aux particules fines PM10. Elles se propagent progressivement à l’ensemble des départements régionaux, bien que dans une moindre mesure dans les Alpes-Maritime et le Var. L’alerte pollution de niveau 2 est maintenue dans les Bouches-du-Rhône et activée dans les Alpes-de-Haute-Provence et le Vaucluse. Avignon rejoint Marseille en mettant en place la circulation différenciée. Exceptionnel par la diversité des polluants concernés, l’épisode de pollution que connaît la région Sud l’est aussi par sa durée.

Samedi 14 juin : incendie sur le site industriel de Solamat à Rognac

Les fumées de l’incendie survenu sur le site Solomat à Rognac ont renforcé la pollution aux PM10 dans les environs. Photo : Pompiers13

Quand le dispositif préfectoral d’alerte de niveau 2 est maintenu dans le Vaucluse, les Bouches-du-Rhône et les Alpes-de-Haute-Provence pour pollution aux particules fines et à l’ozone, les Hautes-Alpes sont encore concernées par la pollution aux PM10. Cerise sur le gâteau : un incendie se déclare en début de soirée sur le site de l’entrepôt de prétraitement de déchets Solamat à Rognac. Classé Seveso – installation industrielle à risque-, il abrite des peintures, des solvants et des batteries. Les fumées se dispersent principalement au nord et autour du site lui-même. Bien qu’elles ne soient pas directement orientées vers la zone, les stations de surveillance d’AtmoSud situées à Berre-l’Etang et Rognac affichent une augmentation des concentrations en particules fines PM2.5 globalement modérées. L’événement a un impact significatif sur la qualité de l’air dans les zones nord situées sous les vents de l’incendie. Deux signalements qui décrivent des odeurs « chimiques » et de « brûlé » sont par ailleurs pointés dans la matinée sur la plateforme participative SignalAir.

Dimanche 15 juin : 4 départements toujours en alerte pollution, le mistral rentre en scène

Les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse, les Alpes-de-Haute-Provence et les Hautes-Alpes sont toujours en situation d’alerte pollution aux particules fines et à l’ozone. Rien ne change, excepté le vent. La faible force des derniers jours, peu propice à la dispersion des polluants, laisse place à la puissance légendaire du mistral et à ses phénomènes météorologiques associés. Pour la première fois depuis 7 jours, les niveaux de concentrations de particules fines et d’ozone commencent à baisser un peu partout en région Sud. Sa population peut reprendre son souffle.

Dimanche, le mistral est venu diluer les concentrations de particules fines et d'ozone, rendant l'air plus respirable en région Sud. Photo : Pexels
Dimanche, le mistral est venu diluer les concentrations de particules fines et d’ozone, rendant l’air plus respirable en région Sud. Photo : Pexels

Lundi 16 juin : un retour à la normal… temporaire

Huit jours après le déclenchement de l’épisode de pollution aux particules fines par AtmoSud dans les Hautes-Alpes, les différents seuils de concentrations de polluants atmosphériques retrouvent leurs niveaux réglementaires partout en région Sud (PM10 et 03). Le mistral, toujours actif, disperse les concentrations anormalement élevées, laissant place à un air plus respirable dans les 6 départements de la région. On pourrait être tenté de dire que « tout fini bien ». Mais les conclusions trop hâtives ne sont jamais les bonnes. Les étés passés et leurs pics de pollution associés et répétés, nous rappellent qu’en matière de pollution, la saison estivale ne représente pas une fin, mais bien un commencement. Comme le martèle Dominique Robin, le directeur général d’AtmoSud, dans une tribune publiée ces derniers jours dans les médias, l’heure est donc à la vigilance. « Ne sous-estimons pas ce que notre environnement atmosphérique nous impose », avertit-il. Bien conscient que la pollution de l’air est responsable de 40 000 morts prématurés en France chaque année et de nombreuses pathologies et maladies.

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