Mars 2025 : mais pourquoi tant de pluie en région Sud ?

METEO. Jugés atypiques par les météorologues, les épisodes de pluie qui ont déferlé sur les régions sud-est en ce mois de mars interrogent. S’ils sont globalement bénéfiques à la qualité de l’air, qu’en est-il sur le plan du réchauffement climatique ? Inspirons ! fait le point avec Joël Guiot, co-président du Groupe d’Experts du Climat de la région Sud.

Le ciel nous serait-il tombé sur la tête ? C’est l’impression qu’ont pu avoir les habitants de la région Sud et du sud-est suite aux épisodes de pluies qui ont marqué ce mois de mars 2025. Perçus comme atypiques par les météorologues, ces pluies hors norme s’inscrivent dans un contexte météorologique qui semble s’être inversé : quand le nord de la France est peu arrosé et bénéficie d’un ensoleillement surprenant pour la saison, les Pyrénées-Orientales, les Cévennes, le Languedoc et Provence-Alpes-Côte d’Azur sont au contraire très mouillées et contraintes de composer avec un soleil inhabituellement timide. La faute à des dépressions qui circulent entre la péninsule ibérique et la Méditerranée, responsables de la remontées des masses d’air humides et nuageuses. Et à un anticyclone important sur l’Europe continentale, qui s’est montré des plus profitables en terme d’ensoleillement dans le nord-est. 

Résultat : en mars, Valenciennes et Reims ont bénéficié de deux fois plus de soleil que Perpignan, quand Marseille enregistrait son niveau pluviométrique le plus élevé depuis 1921 et la relève des données météo à la station Météo France de Marignane. Soit, 153 mm, ce qui correspond à plus de 5 fois la normale mensuelle de Marseille au mois de mars. A noter que cette performance pluviale vient anéantir le record de l’an dernier, qui était de 147 mm. 

A Marseille, le niveau de pluie enregistré correspond à plus de 5 fois la normale mensuelle du mois de mars dans la ville. Photo : Pixabay
A Marseille, le niveau de pluie enregistré correspond à plus de 5 fois la normale mensuelle du mois de mars dans la ville. Photo : Pixabay

Un rééquilibrage des niveaux pluviométriques

Si ces épisodes pluvieux en région Sud sont globalement bénéfiques à la qualité de l’air (la pluie lessive les polluants atmosphériques présents dans l’atmosphère, quand le vent qui l’accompagne les disperse), ils sont tout aussi favorables pour le territoire sur le plan hydraulique. Comme l’indique Joël Guiot, co-président du GREC-SUD, le Groupe d’Experts du Climat de la région, « la pluviométrie de cet hivers 2024-2025 en région Sud est globalement conforme aux moyennes saisonnières. Si l’on enregistrait un déficit de pluie de l’ordre de -20% jusqu’à février, le mois de mars, où elle a été particulièrement importante, vient rééquilibrer la situation ».

Le directeur de chercheur émérite du Centre Européen de Recherche et d’Enseignement en Géosciences de l’Environnement (CEREGE, Aix-Marseille Université) en profite pour rappeler que sur la période 2019-2023,  le manque d’eau en provenance du ciel se chiffrait en France à -50% par rapport aux moyennes annuelles. De quoi expliquer les différentes sécheresses qui ont sévit, particulièrement dans les Pyrénées-Orientales et en Provence-Alpes-Côte d’Azur. La quantité de pluie tombée devrait donc, « pour le moment », nous préserver du manque d’eau l’été 2025 venu, ces abondants épisodes pluvieux en région Sud ayant permis de rétablir des conditions hydrauliques favorables qui mettent un terme aux derniers bastions de la sécheresse en France.

+1C° de réchauffement, c’est 7% d’humidité supplémentaire dans l’air, soit, des pics de précipitation 10% plus forts

Joël Guiot, co-président du GREC-SUD

Joel Guiot
Photo : J.G.

La météo n’est pas le climat

Et sur un plan climatique, qu’en est-il ? Si « les pluies très intenses, comme les épisodes pluvieux méditerranéens, peuvent aussi être l’expression du réchauffement climatique par le biais d’une Méditerranée qui se réchauffe », et qu’il est avéré, comme l’explique Joël Guiot, que « +1C° de réchauffement, c’est 7% d’humidité supplémentaire dans l’air, soit, des pics de précipitation 10% plus forts », il est trop tôt encore pour imputer ce phénomène de pluies sudistes atypiques et de météo nord-sud inversée au réchauffement planétaire. D’abord, parce que, à  ce jour, ces événements restent bien de l’ordre météorologique et non climatique, s’inscrivant sur une courte période et non dans le long terme. Selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM), il faut observer des conditions météorologiques et atmosphériques moyennes durant au moins 30 ans (température, précipitations, ensoleillement, humidité, etc.) pour pouvoir parler de climat.

Ensuite, parce que si la cause du réchauffement climatique dans cette météo française et européenne hors norme est bien avancée par les météorologues, d’autres facteurs météorologiques le sont également. Comme le courant-jet ou jet stream, un flux d’air rapide situé en haute altitude. Par ailleurs, quand la situation de 2024 semble se répéter cette année, elle reste avant tout le résultat de paramètres multifactoriels qui nécessitent des observations et recherches supplémentaires. Si l’effet du réchauffement climatique dans ces crues de mars 2025 est bien probable, il nous faudra voir ce que nous réserve la météo des prochaines années pour pouvoir le confirmer sur un plan scientifique.

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