Agriculture. Quand la réintroduction de l’acétamipride, pesticide banni des usages agricoles depuis 2018, est au centre de la proposition de loi Duplomb votée cette semaine au Sénat et à l’Assemblée, AtmoSud fait le point sur la présence de ces substances toxiques dans l’air en Provence-Alpes-Côte d’Azur.
C’est cette semaine que la proposition de loi Duplomb, qui vise à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur« , doit être adoptée au Sénat et à l’Assemblée. Un texte dont le volet environnemental suscite autant de débats que d’inquiétude en portant la possible réintroduction de l’acétamipride dans les pratiques agricoles. Un pesticide de la famille des néonicotinoïdes, interdit en France depuis 2018 en raison de sa toxicité sur les poissons, les mammifères et les abeilles. Et par conséquent, sur la santé humaine. Le retour possible de cet insecticide chimique -encadré et à titre dérogatoire- rappelle l’importance de répondre aux préoccupations phytosanitaires sous le spectre de la santé unique (One Health). Mais aussi de l’approche systémique. Les résidus de pesticides ne finissent pas seulement dans nos assiettes. Ils sont aussi présents dans l’atmosphère et l’air que nous respirons. A ce titre, ces produits phytosanitaires sont bien des polluants atmosphériques à part entière qu’AtmoSud surveille depuis 2011 sur l’ensemble de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

BON A SAVOIR
Bien que la surveillance des résidus de pesticides dans l’air apparaisse comme une priorité du plan d’action gouvernemental sur les produits phytopharmaceutiques, aucune valeur réglementaire ne définit encore leur niveau de contamination. S’ils sont massivement utilisés sous forme d’herbicides, d’insecticides, de fongicides ou de substances antiparasitaires en agriculture, leur usage est aussi courant dans d’autres secteurs comme la santé publique ou les services vétérinaires. Largement pointés du doigt par la communauté scientifique pour leur toxicité sur le système endocrinien, les pesticides n’en sont pas moins émetteurs de particules fines.
Les fongicides, les pesticides les plus courants en région Sud

Depuis la mise en place du dispositif national de surveillance permanente des pesticides en juillet 2021, AtmoSud fait partie des 18 sites référents de l’Hexagone pour mesurer leur présence dans l’air. Les relevés sont effectués depuis le site des Vignères, dans le Vaucluse, le département le plus agricole de la région. L’an dernier, sur une liste établie de 72 substances, 18 pesticides ont ainsi été détectés et quantifiés. 12 autres uniquement détectés sans pouvoir mesurer leurs concentrations. Il s’agit majoritairement de fongicides. Pour cette année 2024, l’Observatoire Air-Climat-Energie de la région Sud a relevé un nombre total de pesticides en hausse de 20 % par rapport à l’année précédente. Probablement du fait de l’observation de quatre substances supplémentaires. A contrario, un herbicide et un insecticide n’ont plus été quantifiés.
Des pesticides mesurés de façon récurrente
Chaque année, AtmoSud mesure 72 substances, dont 10 sont identifiées de façon récurrente, pour suivre leur évolution et surveiller que celles qui font l’objet d’une interdiction ne soient pas présentes dans l’atmopshère. Deux fongicides (folpel et pyriméthanil) ressortent pour leurs concentrations maximales et leur fréquence soutenue. Si le pyriméthanil ne présente pas de toxicité particulière, celle du folpel est au contraire élevée pour les mammifères, humains compris.Quatre insecticides (lambda cyhalothrine, lindane, perméthrine et pyrimicarbe). Et quatre herbicides (s-métolachlore, pendiméthaline, prosulfocarbe et triallate).
Trois insecticides interdits d’usage retiennent l’attention

Sur les quatre insecticides observés, trois retiennent l’attention car soumis à une interdiction :
– le lindane : interdit depuis 1998 pour ses propriétés neurotoxiques, il est encore bien présent dans l’air en région Sud du fait de sa forte rémanence. En Provence, les charpentes ont longtemps été traitées au lindane. Sous l’impulsion des vents forts de la vallée du Rhône, le mécanisme de réenvol des aérosols de particules est activé. Ce qui facilite la réintroduction potentielle du lindane dans l’atmosphère. Ce qui expliquerait sa présence dans l’environnement bien qu’il ne soit plus utilisé en agriculture. Ses niveaux sont cependant de plus en plus faibles d’année en année.
– le pyrimicarbe : encore autorisé en maraîchage, notamment pour lutter contre les pucerons, cet insecticide est interdit en usage arboricole, notamment du fait sa toxicité en cas d’ingestion. Le capteur d’AtmoSud mesure pourtant sa présence systématique dans l’air printanier sur le site arboricole des Vignères.
– la perméthrine : cet insecticide interdit en Europe depuis une dizaine d’années, en raison de sa toxicité avérée, n’a été retrouvé dans aucun prélèvement en 2024. Comme il l’était les années précédentes, AtmoSud continue à rechercher sa possible présence.
Deux herbicides dans le viseur des capteurs d’AtmoSud
En raison de l’augmentation de sa concentration en 2024 sur le site vauclusien, et bien que sa fréquence d’apparition diminue suite à son interdiction en France la même année, le S-métolachlore continue a faire l’objet d’une surveillance soutenue par les équipes d’AtmoSud. Ce pesticide, qui s’impose comme l’une des substances herbicides actives les plus utilisées en France, est classé « cancérogène suspecté ». Il est aussi toxique pour les sols et les nappes phréatiques. Un autre herbicide, la pendiméthaline, est également dans le viseur de l’Observatoire Air-Climat-Energie de la région Sud. Sa présence est en effet détectée dans tous ses prélèvements, probablement du fait de sa persistance élevée dans l’environnement. A noter que ce pesticide n’est pas inscrit au programme européen d’examen des substances biocides. Son utilisation dans les produits de ce type n’est par conséquent pas autorisée.
A consulter : Suivi national des pesticides – Bilan des mesures réalisées de juillet 2021 à décembre 2023.
AtmoSud, précurseur de la surveillance des pesticides dans l’air
L’Observatoire Air-Climat-Energie de la région Sud n’a pas attendu 2021 et la mise en place du dispositif national de surveillance permanente des pesticides pour mesurer leur présence dans l’air. Dès 2011, en collaboration avec le Laboratoire Chimie de l’Environnement (Aix-Marseille Université/CNRS), celle qui se dénommait alors AirPACA donnait vie à l’Observatoire des Résidus de Pesticides en Provence-Alpes-Côte d’Azur (ORP PACA). Une initiative qui s’inscrivait dans le cadre du Plan Régional Santé Environnement (PRSE2) et du plan national Ecophyto en vigueur. L’entité était en charge de mesurer les niveaux de pesticides dans l’atmosphère sur cinq sites de la région : Arles, Avignon, Cannes, Cavaillon et Toulon.
Inspirant, cet ORP PACA a encouragé la mise en place du dispositif national de surveillance de 2021. Depuis, ce dernier se base sur les mesures territoriales collectées par les différentes AASQA de l’Hexagone sur une banque de données commune, libre de consultation. Nommée Phytatmo, elle permet de recenser et de surveiller la présence de résidus de pesticides dans l’air au niveau national. Et d’’identifier les spécificités régionales. Le site d’observation de référence retenu en région Sud est celui des Vignères, près de Cavaillon. AtmoSud participe par ailleurs à l’étude PestiRive, dirigée par Santé publique France et l’Anses, pour mieux connaître l’exposition aux pesticides des personnes vivant près de vignes ou éloignées de toute culture.