Photo : AeroportsdelaCotedAzur/J.Kelagopian
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Franck Goldnadel : « La pollution de l’air est un sujet majeur pour les gestionnaires d’aéroports »

TRANSPORT AERIEN. Comment rendre le transport aérien plus durable et réduire ses émissions polluantes ? En particulier, les particules ultrafines, les plus nocives pour la santé ? A la tête du Groupe Aéroports de la Côte d’Azur, qui gère les aéroports Nice Côte d’Azur, Cannes Mandelieu et Golfe de Saint-Tropez, Franck Goldnadel livre sa vision à Inspirons ! Entretien.

Vous venez d’être reconduit dans vos fonctions de Président pour poursuivre la stratégie « Azur 2030 » du Groupe Aéroports de la Côte d’Azur. Elle vise notamment à atteindre le « zéro carbone » à cet horizon. Quelle est votre politique en matière de décarbonation ?

Franck Goldnadel : Le Groupe Aéroports de la Côte d’Azur a pris l’engagement d’être neutre en carbone pour ses propres émissions avant mon arrivée en 2020. Il a élaboré un plan d’action pour ses trois aéroports, et pas seulement pour celui de Nice, qui représente la deuxième plateforme aéroportuaire de France. Ce plan a été interrompu par l’arrivée du COVID et les difficultés qu’il a amené. Notamment en termes de rentabilité, ce qui a nécessité de faire des choix. D’abord pour la sécurité et la sûreté des biens et des personnes, ce qui est la base dans un aéroport. Mais j’ai tenu à maintenir aussi l’engagement pris pour l’environnement, en persuadant les actionnaires de continuer à investir dans la poursuite des actions. Cela me paraissait important vis-à-vis des riverains et des acteurs publics-privés locaux. Et bien entendu, de l’environnement lui-même. 

Ce que traduit l’accréditation de vos trois aéroports à l’Airport Carbon, le programme de certification de l’Airport Concil International en matière de gestion carbone…

F.G. : Nous sommes en effet le premier groupe d’aéroports français à avoir obtenu l’accréditation de l’ACI-Europe pour le niveau 4 ou 3+. Elle exprime notre engagement à compenser nos émissions pour atteindre la neutralité carbone, quelle que soit l’évolution de notre trafic aérien. Autrement dit, nous nous engageons à ne pas augmenter nos émissions de CO2, même si notre trafic augmente.  

Pour agir sur son empreinte carbone, le Groupe Aéroports de la Côte d’Azur optimise le temps de roulage des avions sur la piste : il a été réduit de 9 minutes en moyenne, ce qui représente un gain annuel de 5 millions de tonnes d’équivalent CO2. Photo : Aeroportdemacotedazur/J.Kelagopian

Quelles actions menez-vous dans ce sens, quand l’Association internationale du transport aérien prévoit un trafic qui devrait doubler en 2037, et tripler d’ici 2050 ?

F.G. : C’est une somme de petites choses que nous mettons en place, généralement en partenariat avec les autorités publiques. Par exemple, en ce qui concerne l’impact dans les zones publiques, nous avons travaillé avec la Métropole Nice Côte d’Azur pour que le tramway desserve Nice aéroport. Ce qui réduit l’usage des véhicules personnels pour s’y rendre. Nous avons aussi électrifié des postes de stationnement. Pour les pistes, nous travaillons avec la navigation et les compagnies aériennes pour optimiser le temps de roulage des avions. A ce jour, nous sommes parvenus à diminuer ce temps de 9 minutes en moyenne. Ce qui représente un gain annuel de 5 millions de tonnes d’équivalent CO2. Pour ce qui est de l’aviation d’affaires, nous avons électrifié tous les véhicules pour transporter les passagers des pistes aux bâtiments. Nous intégrons une flotte de bus électriques. Nous nous appuyons aussi sur une aviation plus moderne et plus efficace, avec un taux de remplissage des avions qui a déjà augmenté de +10%. Un nombre plus important de passagers ne signifie plus aujourd’hui un nombre plus important de vols. 

Votre Groupe ambitionne de devenir « un acteur majeur de la transition écologique du transport aérien ». Quel serait pour vous un secteur aérien désirable, qui répond aux enjeux de transition écologique et énergétique ?

Le paysage de l’aviation n’est pas uniforme. Pour l’aviation de courte distance, qui repose sur de petits modules, j’ai la conviction que nous parviendrons à basculer dans le tout électrique. Ce qui bloque encore aujourd’hui, c’est la taille des batteries. Mais j’ai confiance en la technologie. Pour les plus gros avions, on peut capitaliser sur l’efficacité de moteurs plus économes, moins consommateurs d’énergie. Les e-kérozènes ou SAF représentent aussi une révolution très attendue à grande échelle. Ils permettent d’économiser sur tous les cycles de vie. Leur frein réside actuellement dans leur faible capacité de production. Quand les politiques auront réglé cette question, nous pourrons faire un bond en avant. L’hydrogène me semble également être une voie intéressante à explorer.

Franck Goldnadel, Président du Directoire Groupe Aéroports Côte d’Azur.

Dans l’épisode de notre podcast consacré aux carburants de demain, l’IFPEN Energies Nouvelles explique que ces nouveaux carburants rejettent aussi des polluants atmosphériques. Comment vos aéroports s’emparent-ils de l’enjeu de la qualité de l’air ? 

F.G. : La question de la pollution de l’air est un sujet majeur pour les gestionnaires d’aéroport, au même titre que l’environnement et la biodiversité. On a tous une vigilance à avoir, d’autant que les aéroports sont des lieux de conjonction avec les autoroutes, les gares, les nouveaux moyens de transports… Ce sont des lieux où beaucoup d’efforts sont faits.

En région Sud, 28% des particules ultrafines* -les PUF- proviennent de l’aérien, derrière le transport routier (52%). Comment pouvez-vous agir sur ces émissions nocives ?

F.G. : Les particules ultrafines ne sont pas toutes issues des moteurs d’avions. Nous travaillons régulièrement avec AtmoSud sur ces sujets de la pollution de l’air. Mais il est important d’identifier les différentes sources d’émissions avant de trouver des solutions et d’élaborer un programme d’actions. Nous l’avons fait pour les émissions carbone, nous le ferons pour les polluants atmosphériques. Cependant, il y a des choses faisables et d’autres qui ne le sont pas. Nice est loin de tout. Pour effectuer des trajets européens et internationaux, il y a peu d’alternatives à l’avion. Je vais être courageux en vous disant que pour moi, l’avenir de l’humanité ne repose pas sur l’interdiction et la décroissance absolue. L’humanité va devoir intégrer sa capacité à se mouvoir en préservant son avenir. Faire des choix stratégiques qui lui permettent de protéger son environnement. Je suis plutôt optimiste. Hier, on s’inquiétait du jour où les Chinois abandonneraient leur vélo pour la voiture. Aujourd’hui, la Chine est le premier producteur de motorisations électriques.

Ce qui signifie que les émissions de particules ultrafines vont être intégrées dans votre stratégie « Azur 2030 » ?

F.G. : Oui. Mais comme je le disais, la question doit s’inscrire dans un programme d’actions, après avoir identifié les sources et trouvé des solutions. Lorsqu’un problème est mis sur la table, il se doit d’être traité.

*Données AtmoSud présentées lors de son webinaire portant sur les particules ultrafines du 24 avril 2025

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