CONFERENCE. L’apnéiste niçois, quatre fois recordman et double champion du monde d’apnée en profondeur, était l’invité de la conférence publique organisée par AtmoSud et le média Sans Transition! ce 18 novembre au Centre Universitaire Méditerranéen de Nice. Une plongée inspirante dans les fins fonds de l’urgence à préserver la planète et l’air que l’on respire.
Comment tenir une salle de près de 200 personnes en haleine ? Invitez Guillaume Néry pour présenter son « Anatomie d’une plongée » et vous aurez la réponse. Ce 18 novembre, muni de son aura pour toute combi’, colportant un récit façonné par 30 années d’immersion dans les eaux profondes et des images grandioses capturées aux côtés de cachalots – « ces vrais apnéistes capables de descendre jusqu’à 2000 mètres de fond pour chasser le calamar géant»-, le Niçois a coupé le souffle de son auditoire. Ou plutôt, lui a insufflé la nécessite de le reprendre, méthode à l’appui. Celle que ce champion du monde de la plongée en poids constant (descente et remontée en palmant) pratique comme un sacerdoce avant chaque immersion dans les profondeurs marines. Une « routine » en quatre étapes qu’il cultive désormais comme un art de vivre. Et qu’il transmet dans des salles combles de France et de Navarre en tant que conférencier inspirant pour « réfléchir notre façon d’habiter de le monde » et répondre aux enjeux de la transition.

En surface, l’art de maîtriser son souffle
Tout commence par la respiration en surface. Une succession de grandes inspirations, suivies d’expirations plus longues encore, jusqu’à « ressentir le calme intérieur ». Une façon de « prendre volontairement le contrôle sur cet acte autonome qu’est celui de respirer » et de parvenir à « une consommation minimale d’énergie ». Avant chaque plongée, Guillaume Néry contraint sa respiration à la maîtrise. Un exercice pour dominer son souffle, et avec lui, son corps, ses émotions et le stress généré par nos modes de vie. Comme l’expérience vaut mieux que de longs discours, il emmène son auditoire dans une pratique à l’unisson de cette respiration maîtrisée. Commentant ses bienfaits sur le corps et l’esprit, prouvés par la science. Relatant comment l’apnée augmente instantanément l’activité du cerveau pour la connecter à sa zone préfrontale, haut-lieu de la conscience de soi. De quoi glisser d’un coup de palmes vers la conscience de l’état environnemental du monde. Et réaliser que « ce voyage aux frontières des limites humaines » dans lequel le plonge l’apnée, nous renvoie inévitablement à celles de la planète.

La descente ou la nécessité de s’adapter
Après avoir rempli ses poumons de dix litres d’air, l’apnéiste entame sa descente vers les fonds marins. Pour gérer le manque d’air, il faut « faire preuve de souplesse, accepter de lâcher ». Même si « le corps s’adapte en protégeant l’organisme quand on arrête de respirer ». N’en déplaise à Pierre de Coubertin qui défendait le sport et sa « liberté d’excès ». Aux mots combat, lutte et résistance, Guillaume Néry privilégie la nécessité de ralentir, d’adopter sobriété et souplesse. « En apnée, on enlève le superflu et on va à l’essentiel ». En totale opposition à la doctrine sociétale dominante, « où l’abondance bat pourtant de l’aile ». Face« à une terre qui a ses limites », la descente apnéiste de Néry sonne comme un appel à « être plus en phase avec le monde ». En « cultivant la lenteur » et en développant « une attitude d’adaptabilité plutôt que de contrôle ». Dans une totale acceptation à lâcher.
« Il est important d’inverser le sens du récit, de remettre de l’humilité
Guillaume Néry
dans notre façon de prendre notre place sur terre ».
Au fond, accepter sa vulnérabilité
Les profondeurs marines le confronte à l’intensité de la pression, à la froideur de l’eau, à une obscurité prégnante. « Quand je suis au fond, je me sens très vulnérable. Ce qui m’empêche de paniquer, c’est d’accepter ma condition, ma vulnérabilité. De faire preuve d’humilité ». Une autre clé de l’enseignement Néry pour faire face à l’urgence écologique et climatique. « Car au final, on est seulement sur un bout de rocher qui tourne autour d’une étoile. Quand tout bascule, ou va basculer, on se rend(ra) compte que l’on n’est pas grand-chose ». Sans attendre ce vacillement, pour être frappé d’humilité, il suffit pour Guillaume Néry de « renouer avec la nature », de toucher sa grandeur. De « se retrouver à nu avec l’élément ». Comme il l’était lors de sa rencontre immersive avec des cachalots endormis, en position verticale. Un instant de grâce, visionné par des millions d’internautes dans le court-métrage « One Breath Around the World », où le gigantisme des cétacés ramène inéluctablement l’Homme à sa petitesse. A cette conscience, aussi, qu’« il est important d’inverser le sens du récit et de remettre de l’humilité dans notre façon de prendre notre place sur terre. »

La remontée ou l’importance de coopérer
Après avoir touché le fond, l’apnéiste doit encore remonter à la surface, les poumons déjà bien vidés d’air. Quand « la première envie de respirer surgit à 80 mètres, comment ne pas céder à la panique ? » Celle dans laquelle Guillaume Néry a probablement plongé en 2015, avant de frôler la mort. Victime d’une syncope et d’un œdème pulmonaire, à quelques mètres seulement de la surface. Un accident survenu à Chypre, où il tentait de décrocher son cinquième record mondial. La faute à une improbable négligence des organisateurs qui l’ont emmené à 139 mètres de fond -record jamais plus atteint- au lieu des 129 visés. De quoi passer l’envie au compétiteur de poursuivre la quête des records. « Quand je remonte, ma clé anti-panique c’est de rester concentré sur le câble, dans la maîtrise, de suivre le plan. Et je sais que je peux compter sur mes apnéistes de sécurité, prêts à coopérer ». Un état d’esprit aux antipodes de la plongée individualiste de l’époque Jacques Mayol, qu’il fait vivre à la Bluenery Academy, le centre d’apnée qu’il a fondé à Villefranche-sur-Mer dans les Alpes-Maritimes. Ici, se cultive le « plonger ensemble en se surveillant les uns les autres ». Une devise qui s’impose comme la dernière étape de sa réflexion. « Un futur plus enviable passe par l’intelligence collective et la coopération, quel que soit notre statut ». Le fruit d’une clarté d’esprit que l’ivresse des profondeurs l’a appelé à transmettre ?








