ENERGIE. Comme le révèle notre dernier inventaire annuel Air-Climat-Energie, la production et la consommation d’énergie en région Sud soulèvent des questions sur leur avenir. Dans un contexte géopolitique incertain, d’inflation et de crise climatique, des alternatives continuent à se dessiner sur le territoire. Le fil conducteur : produire plus d’énergie verte et autoconsommer en mode partagé.
Après Cabriès-Calas en 2021, c’est au tour de la ville de Vitrolles de déployer sa première communauté citoyenne d’énergie renouvelable (EnR). Mi-mars, la municipalité signait un contrat de concession longue durée (30 ans) avec le groupement Watteos et SerenySun pour produire « une énergie locale durable, décentralisée, compétitive et inclusive » issue du photovoltaïque à compter du second semestre 2026. D’une puissance de 6 MWc* (l’équivalent de la consommation électrique annuelle -hors chauffage et eau chaude sanitaire- de plus de 2 000 foyers), elle fournira 8 GWh d’électricité renouvelable générée par 25 panneaux solaires. De quoi couvrir 29% des besoins en électricité des infrastructures municipales, comme une part de la consommation des bâtiments privés (entreprises, commerces…) et des foyers environnants qui souhaiteront acheter cette énergie verte pour consommer en boucle. L’énergie non consommée sera quant à elle distribuée sur les compteurs Linky de foyers plus modestes.
* Le watt-crête, ou Wc, est l’unité de mesure utilisée pour mesurer la puissance maximale qu’un panneau solaire est capable de fournir dans des conditions idéales : un fort niveau d’ensoleillement, une température de 25 °C, une inclinaison de 30° à 35°, et aucun espace ombragé.
De quoi on parle ?
Une communauté d’énergie (CEC) est un groupe de personnes, d’entreprises ou d’organisations qui s’unissent pour produire, consommer-stocker et partager de l’énergie entre elles. Le but est de promouvoir l’utilisation d’énergies renouvelables (EnR) et de réduire la facture énergétique de chacun. On distingue les Communautés d’Énergie Renouvelable (CER), généralement composées de particuliers, TPE- PME et de collectivités locales, et les Communautés d’énergie citoyenne (CEC), qui développent des projets citoyens en ouvrant leur capital au financement collectif et en confiant leur pilotage aux acteurs locaux. Si les Communautés d’énergie citoyennes sont les seules à pouvoir produire de l’énergie à partir de sources non renouvelables, en France, elles s’appuient majoritairement sur des moyens de production « verts ». Parmi elles, les CEC de Vitrolles et de Cabriès-Calas s’imposent comme des projets pionniers de grande envergure.
Comment ça marche ?
La communauté doit se doter d’un statut juridique (association, coopérative, société…) pour pouvoir investir (par exemple, dans l’installation de panneaux voltaïques). Elle s’entoure ensuite d’un ou plusieurs producteurs d’EnR (SerenySun, Watteos…). Sa rémunération se fait sur la vente d’énergie produite en fonction du montage financier choisi (comme l’achat de parts sociales). Les bénéfices réalisés reviennent aux actionnaires locaux.
Pour assurer la rémunération de la production d’EnR, EDF est soumis à une Obligation d’Achat (OA) de la totalité d’énergie produite ou de son surplus. Celle-ci est injectée depuis le réseau public de distribution sur les compteurs Linky des membres désignés par la communauté sur le principe de l’autoconsommation collective : chaque consommateur bénéficie de la part de la production locale qui lui est initialement attribuée. Seule la fourniture d’énergie complémentaire pour couvrir ses besoins lui est facturée par le fournisseur d’électricité.
Une trentaine de coopératives citoyennes d’EnR en Provence-Alpes-Côte d’Azur
Le projet « Notre énergie Vitrolles » s’inscrit dans le modèle d’appropriation citoyenne de l’énergie qui tend à se répandre au niveau régional comme national. A ce jour, la France compte quelque 407 projets citoyens d’EnR labellisés, qui alimentent 1 400 000 personnes en énergie verte, dont une trentaine de coopératives porteuses de plusieurs projets réparties en région Sud. Les communautés d’EnR fleurissent ainsi un peu partout sur le territoire régional, portées depuis 2015 par le réseau Energie partagée Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, structure qui accompagne, finance et fédère les projets d’EnR*,
*Grâce au co-financement du Fonds européen de développement régional (FEDER), de l’Agence de la transition écologique (Ademe), de la Région Sud et de la Métropole Aix-Marseille-Provence.
Vers la décentralisation énergétique
Si la majorité des communautés d’EnR citoyennes de la région Sud sont implantées dans les Bouches-du-Rhône, elles sont encore absentes dans le Var et ne comptent qu’une coopérative dans les Alpes-Maritimes. Des départements où l’antenne régionale d’Energie Partagée entend renforcer l’attrait d’un concept qui mobilise l’épargne citoyenne au profit de la réappropriation locale et collective de l’énergie. « Cette volonté de décentralisation énergétique se traduit par un nombre plus important de projets de grande ampleur », remarque Sébastien Bracco. Portée par un contexte géopolitique incertain, une double crise climatique et énergétique, cette autoconsommation collective permet de sécuriser une partie du coût de l’énergie sur 20 ans et de baisser sa facture à court terme.
« Les communautés d’EnR citoyennes se constituent de plus en plus autour de Sociétés d’économie mixte, en co-développement. Le parc photovoltaïque citoyen au sol, qui doit être livré en juin à Mallemort (13) en lieu et place d’une ancienne décharge de déchets industriels non dangereux, en est un bel exemple. » (ndlr : puissance voltaïque de 2,7 MWc, pour une production de 4770 MW/an – soit, l’équivalent de la consommation annuelle de 3 159 habitants).
Côté développeurs, le projet réunit Enercoop et Changeons notre vision de l’énergie (CVE), quand Energie Partagée s’occupe de la levée de fonds auprès des citoyens et des acteurs locaux. A savoir, la commune de Mallemort et la Centrale Villageoise « Sur le Toit des Alpilles », pour qu’ils rejoignent les financeurs de ce parc chiffré à 3,4M€ que sont initialement CVE, Energie Partagée Investissement et la Métropole Aix-Marseille-Provence.
Près de 64 500 personnes alimentées en électricité verte en région Sud
Selon le site Energie partagée Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, 14 collectivités et 20 sociétés citoyennes sont inscrites à ce jour dans la mouvance des communautés d’EnR en région Sud pour « autoconsommer en boucle » sur un rayon qui peut s’étendre jusqu’à 10 Km. Les projets qui en découlent servent à générer +99% d’électricité (1% de chaleur) et constituent une puissance globale de 54,7 MW, pour une production de 77,6 GWh/an. Ce qui équivaut à la consommation électrique (toujours hors chauffage et eau chaude sanitaire) de 64 493 personnes (sur base de 1 180 KWh d’électricité par personne et par an).
Ces projets d’EnR n’auraient pu voir le jour sans les 1 557 actionnaires citoyens qui ont répondu aux différents appels d’épargnes locaux à hauteur de 1,5 M€. Ni sans le placement d’1M€ issu des 39 collectivités actionnaires (en direct ou via une SEM – Société d’économie mixte). A ce jour, 21 projets citoyens de production d’EnR sont en exploitation sur la région Sud, 3 en développement, 2 en émergence, et 1 en construction (25 solaire photovoltaïque, 1 bois énergie, 1 hydroélectricité). De quoi augmenter dans les années à venir la faible part d’EnR produite sur le territoire : pour rappel, elle ne représentait que 10% de la consommation énergétique en 2022, quand l’ambition régionale est d’atteindre 100% en 2050.
Zoom sur deux communautés citoyennes d’EnR de la région Sud
Sur le site de pèlerinage de Notre-Dame-du-Laus (05), une chaufferie bois citoyenne constituée de deux chaudières de 220 kW est venue remplacer ses deux ancêtres fonctionnant au fioul. Elle fonctionne à la plaquette forestière produite sur le département (250 tonnes par an). Un réseau de chaleur de 400 m dessert la chaleur produite aux 6 bâtiments du site et permet de réduire les émissions de CO2 de 85%.
A Vellaux sur l’Arc (13), (photo ci-contre), la centrale micro-hydraulique la Marie-Thérèse représente le seul projet hydraulique citoyen de la région. Alimentée par l’Arc, elle turbine depuis 2019 pour couvrir les besoins énergétiques de 200 foyers grâce à une puissance d’installation de 154 kW et une production annuelle d’électricité de 600 MWh.
Une reconnaissance des communautés d’EnR au niveau européen
En 2019, l’Union européenne a reconnu le rôle des acteurs locaux dans la transition énergétique dans le cadre du paquet législatif « Une Énergie Propre pour tous les Européens ». Les directives « Énergies renouvelables » et « Marché de l’électricité » ont ainsi respectivement introduit en droit européen deux nouvelles notions : les communautés d’énergie renouvelable (CER) et les communautés énergétiques citoyennes (CEC).
En France, une définition récente et un cadre à consolider
La publication du décret relatif aux communautés d’énergie a finalisé leur définition en droit français le 26 décembre 2023. Si on la retrouve dans plusieurs textes du code de l’énergie, aucun ne précisent les mesures déployées pour faciliter leur développement. Elles restent donc encore à définir.
