Litières d'arbres observées dans le cadre du projet de recherche Litosmed pour étudier les concentrations de composés organiques volatils précurseurs de la pollution photochimique d'ozone. Photo Manon ROCCO
Litières d'arbres observées dans le cadre du projet de recherche Litosmed pour étudier les concentrations de composés organiques volatils précurseurs de la pollution photochimique d'ozone. Photo Manon ROCCO

Arbres et pollution : LITOSMED caractérise les émissions de litières

Recherche. Le projet collaboratif pousse plus loin la question des essences d’arbres propices à planter en ville pour éviter les émissions de composés organiques volatils favorables à la pollution photochimique de l’ozone. Les explications de l’un de ses acteurs, Julien Kammer, physico-chimiste de l’atmosphère à Aix-Marseille Université.

Pouvez-vous nous présenter le projet LISTOMED ?

Julien Kammer : LITOSMED est un projet mené pour le compte de l’Institut Item, l’Institut méditerranéen pour la transition environnementale d’Aix-Marseille Université. Collaboratif et interdisciplinaire, il rassemble des experts de l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale (IMBE) et du Laboratoire Chimie de l’Environnement (LCE). Il s’entoure aussi d’EMPAN, structure marseillaise spécialisée dans l’aménagement territorial fondé sur la nature. Sa vocation est de pouvoir caractériser les émissions de composés organiques volatils (COV), mais aussi de particules fines, dégagées par les litières de différentes espèces d’arbres méditerranéens. La volonté est que ces émissions de COV puissent devenir l’une des variables pour la prise en compte des essences d’arbres favorables à planter dans les villes méditerranéennes.

L’objectif sous-jacent, c’est de limiter les pics de pollution à l’ozone dans une région où les concentrations sont parmi les plus élevées de France ?

J.K. : Tout à fait. On connaît aujourd’hui le rôle essentiel que jouent les arbres en ville. S’il est capital de végétaliser les centres urbains, il est important de ne pas planter n’importe quelles espèces. Les COV dégagés en fonction des arbres choisis sont des précurseurs de la formation d’ozone plus ou moins importants quand elles rentrent en contact avec les oxydes d’azote (NOx). Des polluants anthropiques très présents dans les milieux urbains. On cherche donc à savoir quelle part jouent ces litières dans les émissions de composés organiques volatils. Qu’est-ce qui se dégagent de ces tapis de feuilles mortes ? Dans quelles conditions et quelles quantités ?

Litières d'arbres observées dans le cadre du projet de recherche Litosmed pour étudier les concentrations de composés organiques volatils précurseurs de la pollution photochimique d'ozone. Photo Manon ROCCO
Litières d’arbres observées dans le cadre du projet de recherche Litosmed pour étudier les concentrations de composés organiques volatils précurseurs de la pollution photochimique d’ozone. Photo Manon ROCCO

Comment s’organisent vos recherches ?

J.K. : Nous menons depuis 2023 -et jusqu’en 2026 – des observations au Jardin Botanique de Saint-Jérôme à Marseille. Et sur le site O3HP de l’Observatoire des Alpes-de-Haute-Provence. On observe, entre autre, le comportement de litières de micocoulier, de tilleul ou encore de pin d’Alep. Soit, des espèces très présentes dans la région. On les soumets à différents facteurs, comme la température, l’ensoleillement, ou encore l’accumulation de litière. On souhaite voir s’il y a des variations d’émissions. Le but est de pouvoir établir des prédictions et de contribuer à répondre aux enjeux climatiques du territoire.

Les conditions de sécheresse accrues induisent une réduction des émissions de COV de 43% en moyenne
Julien Kammer

Qu’avez-vous pu observer à ce jour ?

J.K. : Nous avons observé l’effet de l’accumulation de la litière au sol sur la quantité de composés organiques volatils émis dans l’air. On constate que l’augmentation de la quantité de litière n’entraine pas d’augmentation linéaire des émissions. Ce qui traduit la complexité des processus liés aux émissions de COV, dont une partie est par exemple absorbée par les micro-organismes qui peuplent les litières. Nous avons aussi pu démontrer que les conditions de sécheresse accrue induisent une diminution moyenne de 43% des émissions de COV. En ville, zone plus sèche qu’en milieu naturel, cette diminution pourrait donc être importante. Cette observation est pertinente dans le cadre de la formation d’ozone en milieu urbain et du changement climatique en méditerranée. Un territoire où les prévisions annoncent une augmentation de la température associée à des épisodes de sècheresse plus intenses.

Quel est l’effet du dérèglement climatique dans ces émissions de composés organiques volatils ?

J.K. : L’effet du réchauffement climatique est d’abord physique. Plus les températures sont élevées, plus les composés organiques volatils s’évaporent dans l’atmosphère. Comme dit plus tôt, il impacte aussi l’activité des micro-organismes. L’effet de la température sur ces émissions de COV fait d’ailleurs l’objet d’observations qui viennent de débuter dans le cadre d’une autre thèse à laquelle je participe aux côtés d’Elena Ormeno. Elle est financée par la Mission pour les Initiatives Transverses et Interdisciplinaires (MITI-CNRS). Les résultats d’observations viendront compléter ceux dressés dans le cadre de LITOSMED, dont nous analysons à présent les données. Ces recherches sont importantes. Elles permettront de pouvoir identifier un algorithme des émissions de COV inexistant à ce jour, pour intégrer celles de litières dans les modèles de prédiction de la qualité de l’air et du climat.

En lien avec cet article

Le professeur à l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie (IMBE), Catherine Fernandez, est l'invitée de Frédérique Jacquemin pour aborder le devenir des arbres et forêts face au dérèglement climatique.

Podcast | Arbres et forêts face à la soif du climat.
Quel devenir pour nos forêts méditerranéennes ?

Auteur/autrice

Rejoindre la discussion