ECONOMIE. Directeur de recherche CNRS à Aix-Marseille School of Economics (AMSE), Olivier Chanel a chiffré le poids économique de la pollution de l’air à Marseille pour l’Etude Quantitative d’Impact sur la Santé de la Pollution Atmosphérique dans la ville (EQIS-PA Marseille).
EQIS-PA Marseille | Volet 2 : Impacts économiques « santé et qualité de l’air »
Comment estimer la valeur économique d’une vie ? Plus précisément, celle d’un décès prématuré ? C’est ce que propose d’établir une méthodologie issue du rapport Quinet 2013. Légitimée au niveau national et international, elle avance une valeur statistique de référence pour rendre compte du caractère économique d’un décès prématuré (VED), quelle que soit sa cause. Actuellement fixée à 3,3 millions d’euros (3,3M€), cette valeur évolue au fil des ans en fonction du taux de croissance du PIB par habitant (3M€ en 2010, 3,22M€ en 2018). Pour l’heure, elle a permis à Olivier Chanel, directeur de recherche CNRS à Aix-Marseille School of Economics (AMSE) d’évaluer l’impact économique de la pollution atmosphérique à Marseille, en la croisant à des données démographiques, sanitaires et de qualité de l’air. Soit, l’objet de l’Etude Quantitative d’Impact sur la Santé de la Pollution Atmosphérique (EQIS-PA) portée par la Ville de Marseille et ses partenaires*, dont les résultats ont été dévoilés le 14 octobre dernier.
*Etude réalisée de juillet 2023 à mai 2025 en coconstruction avec différents partenaires : élus locaux, Santé Publique France, ARS et ORS PACA-, Ademe Paca pour le financement, AMU, AtmoSud, associations et agents techniques.

Le coût des 780 décès marseillais annuels prématurés dus à la pollution de l’air
Quand l’étude EQIS-PA Marseille permet d’avancer le nombre de 780 décès prématurés par an dus à la pollution atmosphérique à Marseille (40 000 au niveau national), l’approche économique octroie un pendant financier à ces disparitions précoces. Plus justement, elle permet d’identifier l’impact économique associé à l’évitement de ces décès si la qualité de l’air à Marseille s’améliorait. Pour établir celui de la morbidité qui conduit à ces décès, Olivier Chanel s’est basé sur les dépenses inhérentes à cinq maladies de long terme liées à une exposition chronique aux principaux polluants marseillais (particules fines PM 2.5 et dioxyde d’azote (NO2)). Soit, l’asthme chez les enfants et les adultes, la bronchopneumopathie chronique obstructive, l’AVC, l’infarctus du myocarde et le diabète de type 2. A noter que pour le cancer du poumon, l’hypertension ou encore les maladies neurodégénératives, des maladies où le rôle de la pollution atmosphérique a été démontré, le nombre de cas n’a ici pas été pris en compte.
Les composantes de coûts de la pollution de l’air à Marseille
Trois composantes de coûts ont été estimées pour chaque maladie : les coûts sanitaires, ou les dépenses supportées globalement par le système de soin (hospitalisations, consultations, médicaments, transport médical…). Les coûts liés aux pertes de production (pertes de ressources pour le patient et ses proches, répercussions sur l’employeur et l’assurance maladie). Et les coûts immatériels ou intangibles (perte de bien-être pour le patient due à des états émotionnels). Les deux premières composantes représentent la part financière supportée collectivement par les citoyens au travers de cotisations sociales, d’impôts ou de taxes indirectes.
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Des décès et des dépenses évités en améliorant la qualité de l’air à Marseille
Pour déterminer les montants économiques en jeu, le directeur de recherche à Aix-Marseille School of Economics s’est basé sur différents scénarios : une ville de Marseille délestée de toute pollution liée aux activités humaines, et le respect des valeurs guides de l’OMS (objectif de la nouvelle Directive européenne sur la qualité de l’air pour 2050). Sans pollution d’origine anthropique, environs 780 décès annuels prématurés liés à une exposition aux particules fines PM2.5 seraient évités à Marseille. De quoi engendrer un bénéfice économique sanitaire de 2,52 milliards d’euros par an (2,52 Md€/an). L’alignement de Marseille sur les valeurs-guides recommandées par l’OMS (l’objectif européen à atteindre en 2050) parviendrait à éviter la mort précoce de quelque 600 Marseillais d’une exposition aux PM2.5 sur le long terme. Et 1,91 Md€/an d’impact économique associé.
**2030 : seuils limites d’émissions fixés à 10 μg/m³ pour les PM2,5 et à 20 μg/m³ pour le NO2. 2050 : alignement sur les seuils de l’OMS fixés à 5 μg/m³ pour les PM2,5 et 10 μg/m³ pour le NO2.

2 356€. C’est le montant associé au poids sanitaire économique de la pollution de l’air qui serait supporté annuellement par chaque Marseillais si la mortalité possédait une valeur marchande.
La facture globale sanitaire de la pollution de l’air à Marseille
Impact économique sanitaire de la morbidité* d’un côté (146 M€). Impact économique sanitaire de la mortalité de l’autre (1,9 M€). Le respect des normes OMS de la pollution atmosphérique sur la santé des Marseillais ne pèserait pas moins de 2,065 Md€/an pour le seul impact des particules fines PM2.5. La mortalité représente donc 93% du poids économique sanitaire total, la morbidité 7%. S’il est aisé de rapporter le coût global de la morbidité à l’échelle d’un habitant par an (166€), l’exercice est plus délicat concernant la mortalité. Cette dernière se traduit en effet comme « un manque à gagner sociétal », et non comme un véritable gain économique tangible. Si tel était le cas, chaque Marseillais supporterait alors un fardeau économique sanitaire d’un montant de 2 356€ par habitant et par an. Une sorte de taxe due à l’impact sur la santé d’une mauvaise qualité d’air dans leur ville. Dans l’attente de pouvoir atteindre les seuils de l’OMS, toute diminution de la pollution de l’air à Marseille sera aussi profitable sur le plan sanitaire qu’économique.
*A noter que concernant la morbidité, seuls sont été pris en compte les seuils OMS.











