AIR ET MORTALITE. Une étude commanditée par la Ville de Marseille (EQIS-PA) évalue l’impact économique et sanitaire de la pollution atmosphérique dans la deuxième ville de France. Et chiffre les bénéfices générés par une amélioration de la qualité de l’air sur base des exigences de l’Union européenne pour 2030 et 2050.
Volet 1 : les bénéfices sanitaires de l’amélioration de la qualité de l’air à Marseille
48 000 morts prématurés par an en France. 40 000 dus aux seules particules fines. Ces chiffres sont désormais bien connus. Que deviennent-ils à l’échelle de la seconde ville de France ? Marseille, cité au trafic routier dense, au socle industriel bien ancré, qui héberge par ailleurs le plus Grand Port Maritime de France, Marseille-Fos ? C’est ce qu’ambitionne de traduire l’Etude Quantitative d’Impact sur la Santé de la Pollution Atmosphérique (EQIS-PA), portée par la Ville de Marseille et ses partenaires*, dont les résultats ont été présentés lors de la Journée Nationale de la Qualité de l’Air. Après un état des lieux de l’empreinte sanitaire de la pollution de l’air dans la ville, cette EQIS-PA Marseille chiffre les retombées que devrait générer l’entrée en application des seuils réglementaires, revus à la baisse, de la nouvelle Directive européenne sur la qualité de l’air. En 2030, puis en 2050, en s’alignant sur les valeurs-guides de l’OMS. Deux scénarios par lesquels Marseille devrait progressivement s’alléger du « fardeau sanitaire et économique » que la pollution de l’air fait porter à ses habitants.
*Etude réalisée de juillet 2023 à mai 2025 en coconstruction avec différents partenaires : élus locaux, Santé Publique France, ARS et ORS PACA-, Ademe Paca pour le financement, AMU, AtmoSud, associations et agents techniques.

Le poids des particules fines et du dioxyde d’azote sur les Marseillais
Quand la qualité de l’air s’impose comme la première préoccupation en santé environnementale pour 69% des Marseillais**, l’EQIS-PA succède à l’étude présentée en janvier par Santé Publique France sur la morbidité liée à un air pollué. Cette méthodologie, empruntée à l’OMS et renforcée par son logiciel AIRQ+, permet de chiffrer l’impact de la pollution atmosphérique sur la mortalité à Marseille. Et d’évaluer les bénéfices de la réduction de la pollution atmosphérique sur la santé de ses habitants.

En croisant les données sanitaires, démographiques et de qualité de l’air fournies par AtmoSud, le cabinet de conseil Ramboll a pu estimer ces bienfaits à l’échelle globale de la ville et par arrondissement. Plus spécifiquement, celles liés à l’exposition à long terme aux particules fines PM2,5 et au dioxyde d’azote (NO2). Deux polluants réglementaires issus principalement du secteur résidentiel (68%) et du transport routier (19%) pour les PM2,5, et des émissions du trafic routier (31%) et du maritime (53%) pour le NO2.
**Résultats de l’étude Santé Flash 2023 de la Ville de Marseille
Près de 4 Marseillais sur 10
sont encore exposés aux polluants atmosphériques
si on se réfère aux seuils réglementaires européens pour 2030.
La pollution atmosphérique tue plus à Marseille qu’au niveau national
« Si la qualité de l’air tend globalement à s’améliorer, 337 000 Marseillaises et Marseillais, soit 39% de la population, sont encore exposés à la pollution de l’air à Marseille quand on se réfère aux seuils européens pour 2030 », commentait Christine Juste, élue marseillaise à l’Environnement et à la lutte contre la pollution. Autrement dit, près de 4 Marseillais sur 10 susceptibles d’être touchés par des maladies métaboliques (diabète de types 2), cardiovasculaires (AVC, infarctus du myocarde) ou respiratoires (asthme chronique, bronchopneumopathie chronique obstructive). Des impacts sanitaires révélés pour la première fois par Santé Publique France en début d’année. En ce qui concerne les décès annuels prématurés dus à une exposition à long terme aux deux polluants réglementaires, ils se chiffrent à 780 décès (soit 11% de la mortalité marseillaise, toutes causes confondues) pour les particules fines PM2,5, et à 440 décès (6% de la mortalité) pour le dioxyde d’azote (NO2). Au global, la part de la population marseillaise qui meurt chaque année de façon précoce du fait de la pollution atmosphérique est donc plus élevée qu’au niveau national (0,089% vs 0,058%).
BON A SAVOIR
Si l’on se réfère aux valeurs européennes de la qualité de l’air actuellement en vigueur (Directive de 2008 entrée en application en 2010), 467 Marseillais -(0.053% de la population marseillaise) sont exposés à un dépassement de seuil pour le dioxyde d’azote (NO₂), 0 Marseillais pour les particules fines PM2,5. A savoir, 40 µg/m³ de valeur moyenne annuelle pour le NO₂ et 25 µg/m³ pour les particules fines PM2,5. Ce taux d’exposition de la population à la pollution atmosphérique change considérablement avec les nouveaux seuils européens pour 2030 et 2050.

Décès et pathologies évitables en améliorant la qualité de l’air à Marseille
Quels bénéfices sanitaires Marseille peut-elle espérer engranger si elle parvient à appliquer les nouveaux seuils réglementaires européens pour 2030 et 2050 ? Ces scénarios de réduction des niveaux de pollution permettront-ils d’abaisser les cas de morbidité et le nombre de vies ôtées par la pollution atmosphérique ? Oui, selon cette EQI-PA Marseille. En mettant le cap sur les valeurs de 2030, Marseille éviterait 100 nouveaux décès prématurés par an dus aux particules fines PM2,5, et 130 dus au dioxyde d’azote. Le cap 2050 permettrait quant à lui d’éviter la survenue de 600 décès dus à une exposition aux PM2,5, et 300 au dioxyde d’azote. En parallèle, la mise en application de ces nouveaux seuils entraînerait une réduction de nouveaux cas de morbidité (pathologies respiratoires, cardiovasculaires et métaboliques). A l’image des cas d’asthme chez l’enfant, que l’EQIS-PA Marseille estime à 80 cas évités pour le NO2, et 60 pour les PM2,5, en respectant les seuils de 2030***. Des chiffres qui culmineraient respectivement à 530 et 380 cas évités si les valeurs de l’OMS étaient appliquées.
***2030 : seuils limites d’émissions fixés à 10 μg/m³ pour les PM2,5 et à 20 μg/m³ pour le NO2. 2050 : alignement sur les seuils de l’OMS fixés à 5 μg/m³ pour les PM2,5 et 10 μg/m³ pour le NO2.
EQI-PA : les limites des résultats de l’exposition à la pollution atmosphérique à Marseille

Si elle permet d’établir des ordres de grandeurs, cette Etude Quantitative d’Impact sur la Santé de la Pollution Atmosphérique à Marseille présente aussi ses limites.
– L’impact sanitaire de l’exposition à la pollution atmosphérique par arrondissement. En dégageant des résultats sur base de la moyenne annuelle des données relevées à l’échelle d’un arrondissement, la méthodologie EQIS-PA ne rend pas compte de la réalité. Les concentrations de polluants atmosphériques peuvent sensiblement varier d’un quartier d’arrondissement à un autre en fonction de la proximité des sources de pollution. Les émissions du maritime et leurs panaches de fumées sont un bon exemple : importantes en bordures de port, leurs concentrations sont moindres quand on s’en éloigne.
– L’absence de résultats individuels : l’obtention de résultats plus représentatifs de l’impact sanitaire de la pollution atmosphérique sur la population marseillaise demande de croiser les données air et santé, à minima à l’échelle d’un quartier. Dans l’idéal, à l’échelle d’adresses individuelles.
– Evaluer l’impact d’une zone industrielle. Scénario souhaité mais non retenu par l’étude, les impacts sanitaires par secteurs d’activité polluants manquent pour obtenir une vision plus ajustée de l’impact sanitaire de la pollution atmosphérique à Marseille. Dans des villes portuaires comme Marseille, une prise en compte spécifique des émissions du secteur maritime (métaux, Black Carbone, particules ultrafines -PUF-…) permettrait de dégager des effets sur la santé plus ciblés. Or, ils restent encore à explorer pour la majorité de ces particules. Pour preuve, l’OMS n’a pas encore défini les seuils de référence pour les particules ultrafines (PUF), pourtant considérées comme les plus nocives sur le plan sanitaire.
– Evaluer les bénéfices sanitaires des actions locales en faveur de la qualité de l’air : les mesures favorables à la réduction de la pollution atmosphérique à Marseille, comme l’extension de la ligne de tramway, la ZFE, ou encore l’électrification des navires à quai dans le Grand Port Maritime de Marseille, n’ont pas été prises en compte dans cette EQIS-PA.










